Robotisation de la vente et de la restauration : Taxer les caisses automatiques, assurer l’égalité de traitement 

Postulat déposé le 24 février 2021 au Conseil communal de Lausanne

En vertu des art. 71 et 72 de la Loi cantonale sur l’exercice des activités économiques[1], « l’exploitation de distributeurs et d’appareils automatiques de marchandises et de prestations de service » est soumise à autorisation communale, s’ils se trouvent dans des lieux accessibles au public (gares et stations de transport public, cafés et restaurants, etc.). Près de 1000 appareils de ce type sont actuellement au bénéfice d’une autorisation à Lausanne. Le service compétent est celui de l’économie. Il s’agit principalement d’automates à cigarettes, de distributeurs de marchandises, ainsi que d’automates de jeu dits d’adresse sans possibilité de gain (billards, flippers, etc. – les jeux de hasard étant soumis à une autre législation). Ces automates sont autorisés moyennant le paiement d’une taxe de plusieurs centaines de francs par an, sur la base du règlement cantonal d’application et pour le domaine public duTarif municipal relatif aux émoluments administratifs de police du commerce[2].

Cette soumission à autorisation trouve son fondement dans l’idée d’assurer une égalité de traitement avec les activités de vente temporaire, à l’étalage notamment, aussi soumises à autorisation[3]. Aujourd’hui, cette autorisation permet aussi de vérifier que la légalité et le fonctionnement correct de ces appareils, notamment eu égard à la protection de mineur-e-s et des consommatrices et consommateurs. 

La multiplication des machines permettant l’accès automatique à des marchandises ou des prestations introduit du flou dans les délimitations. Ainsi, il existe à Lausanne un automate, dans un local fermé accessible au public en tout temps, permettant de commander la cuisson à la minute d’une pizza : s’agit-il encore d’un simple automate, ou est-ce l’équivalent automatisé d’un magasin de mets à l’emporter ? Ou même d’un café-restaurant ?[4] Ces cas vont sans nul doute se multiplier, alors que les automates sont exclus du champ d’application du règlement communal sur les horaires d’ouverture des magasins (RHOM). La question devra donc être abordée tôt ou tard.

La question se pose de manière beaucoup plus massive pour le paiement aux caisses automatiques dans les magasins classiques, supermarchés notamment. Il y est désormais possible d’accéder aux marchandises et de les régler sans aucun contact avec le personnel – comme on le ferait à un automate, mais à une échelle nettement plus grande. Certes, dans les supermarchés lausannois, une caisse avec personnel reste exploitée en permanence. Cependant, des magasins sans aucun personnel de vente existent déjà en Suisse : les « Avec-Box » de l’entreprise de distribution Valora sont ainsi des magasins temporaires sans aucun personnel de vente[5]. La seule présence humaine, lorsqu’il y en a une, est celle d’un-e agent-e de sécurité pour la surveillance. A Zurich, fin janvier 2021, la Migros ouvre à Zurich sa première filiale dans laquelle ne travaille aucun personnel de vente, aucun jour de la semaine[6].

Il est probable que cette évolution se poursuive. Plus que discutable sur le plan humain et social, elle soulève également des questions d’égalité de traitement qui concerneront à terme là aussi les heures d’ouverture : un lieu entièrement automatisé de ce type est-il à considérer comme un très grand automate ou comme un magasin, même sans personnel ?

Le présent postulat vise à initier cette réflexion et les adaptations des règlements qu’elle nécessitera. Mais de manière plus immédiate, il propose de rétablir l’égalité de traitement entre un automate de type Selecta, soumis à surveillance et autorisation, et une borne ou caisse de paiement automatique, qui ne l’est aujourd’hui pas. Concrètement, il s’agirait pour la Ville, sur la base des lois en vigueur, de rendre obligatoire la déclaration des caisses automatiques et l’obtention d’une autorisation. Celle-ci permettrait de s’assurer que le système de paiement protège suffisamment les mineurs, par exemple, en rendant impossible l’achat de produits du tabac ou d’alcool. Il s’agit donc notamment de faire respecter directement, et non par des contrôles a posteriori, l’interdiction de vente d’alcool par des distributeurs « automatiques » ou « semi-automatiques » inscrite dans la Loi cantonale sur les auberges et débits de boissons (LADB, art. 5).

Ce recensement et cet octroi d’autorisation donnerait lieu au paiement d’une taxe spécifique. Cette taxe, qui serait dans les faits réglée presque exclusivement par les grandes enseignes qui remplacent du personnel par des caisses automatiques, pourrait financer des mesures de promotion du commerce indépendant. Elle pourrait être prélevée non pas de manière forfaitaire, mais sur la base du chiffres d’affaires, sur le modèle de la taxe sur la vente au détail de boissons alcooliques.

En résumé nous demandons à la Municipalité d’étudier :


[1] https://prestations.vd.ch/pub/blv-publication/actes/consolide/930.01?key=1606909698127&id=abb21ed7-f7ac-4292-b82a-dab323a913fa

[2] https://www.lausanne.ch/apps/actualites/index_recueil.php?id_sous_theme=81, 903.1

[3] Voir notamment les exposés des motifs des lois de 1899 et 1935 sur la police du commerce, disponibles sur la plate-forme Scriptorium.

[4] En l’occurrence, l’automate est au bénéfice d’une autorisation communale en tant qu’appareil automatique.

[5] https://www.tagesanzeiger.ch/in-dieser-zuercher-migros-filiale-passt-sonntags-nur-die-security-auf-135689609742

[6] https://www.tagesanzeiger.ch/der-erste-migros-laden-ohne-personal-geht-auf-616965078281