Interdire l’usage des technologies de reconnaissance faciale et biométrique dans la vidéosurveillance à Lausanne

Projet de règlement déposé le 23 novembre 2021 au Conseil communal de Lausanne

La reconnaissance faciale est une nouvelle technologie permettant de déterminer l’identité de personnes présentes sur une image ou un enregistrement vidéo. L’image ou la séquence sont comparées, par des processus algorithmiques informatisés, à une base de données existante de photos, en vue d’établir des correspondances. Ce fonctionnement peut s’étendre à la reconnaissance d’autres éléments biométriques (c’est-à-dire à d’autres traits distincitfs) tels que la stature, la démarche, etc. L’usage de ces technologies de reconnaissance se répand depuis quelques années, parfois dans des buts tels que le contrôle d’accès à un lieu privé, mais aussi en lien avec la vidéosurveillance, qui est l’objet du présent projet.

La mise en œuvre de la reconnaissance faciale dans la vidéosurveillance signifie que les personnes filmées peuvent être automatiquement reconnues, soit en temps réel, soit postérieurement sur la base de l’enregistrement. Une personne qui se trouve dans le champ de caméras peut donc être identifiée automatiquement, et donc être directement ou rétroactivement tracée dans ses déplacements et dans ses faits et gestes. Utilisée sans restriction, la technologie de la reconnaissance faciale ou biométrique met fin à l’anonymat constitutif du droit à la vie privée dans nos sociétés – même lorsqu’elle est utilisée à posteriori, elle a donc un effet important sur les droits fondamentaux.

Mise en œuvre à large échelle, la reconnaissance faciale et biométrique peut ouvrir la voie à une surveillance massive et généralisée. Elle pose des problèmes de discrimination : de nombreux exemples ont démontré une efficacité différente selon la couleur de peau, ainsi qu’une précision moindre pour les femmes par exemple, augmentant le risque de faux positifs. Notons cependant que si l’amélioration de la précision des systèmes peut contribuer à réduire la probabilité des erreurs, elle accroît dans le même temps le potentiel d’abus par exemple pour des vérifications ou identifications préventives hors de toute procédure.

Plus globalement, la généralisation de la reconnaissance faciale ou de l’identification biométrique à distance peut décourager l’exercice des droits politiques sur l’espace public, si cet exercice est lié à un risque accru y compris d’être exposé à une identification erronée. Pour ces raisons, la Commission européenne envisage d’interdire formellement la reconnaissance faciale (et plus largement biométrique) à distance en temps réel, et de limiter très strictement son usage à des fins d’enquête. Le Comité européen de la protection des données et le Contrôleur européen de la protection des données estiment souhaitable d’interdire le recours à la reconnaissance faciale et biométrique dans tout usage en lien avec le domaine public, et de nombreuses ONG souhaitent son interdiction pure et simple.

Dans la nouvelle Loi fédérale sur la protection des données, les données biométriques sont désormais considérées comme des données personnelles sensibles lorsqu’elles identifient une personne de manière univoque. Leur utilisation doit faire l’objet d’un consentement explicite de la personne concernée ou d’une base légale au sens formel. De manière générale, cette révision législative appellera sans doute des modifications des différentes règlementations applicables à la vidéosurveillance.

Dans le canton de Vaud les communes sont compétentes pour règlementer la vidéosurveillance du domaine public. Lausanne dispose d’un règlement qui restreint l’usage de caméras sur le domaine public à la surveillance du patrimoine, des bâtiments et des infrastructures. Le règlement prévoit également une destruction des enregistrements automatique après sept jours. Le visionnage des images doit servir uniquement des fins d’enquête, et les images ne peuvent être produites que comme moyens de preuve d’infractions. Enfin, un visionnement en temps réel est possible dans des circonstances très limitées. L’accès aux images est strictement limité et la consultation est automatiquement journalisée. Selon le rapport d’activité 2019, 38 lieux sont actuellemement filmés.

Nous proposons donc que le règlement communal sur la vidéosurveillance soit modifié comme suit :

Art. 6 – Installation

2bis L’installation de systèmes de surveillance permettant ou effectuant une identification automatique des personnes sur la base d’éléments biométriques est interdite.

Art. 7 – Sécurité des données

1 Des mesures de sécurité appropriées sont prises afin d’éviter tout traitement illicite des données, notamment en limitant l’accès aux données enregistrées et aux locaux qui les contiennent et en prévenant tout usage a posteriori de processus automatisés de reconnaissance sur la base d’éléments biométriques.