Impôt anticipé : 7 questions, un seul non.

Texte paru dans 24 heures du 8 septembre 2022

Qu’est-ce que l’impôt anticipé ? Pour le dire simplement, c’est un acompte d’impôt obligatoire de 35 %, qui s’applique à une série de revenus financiers. Il est acquitté au moment de percevoir un intérêt, par exemple. Puis, intégré à la déclaration fiscale, il est remboursé si l’impôt dû est inférieur.

Que lui reproche-t-on ? Eh bien, les détenteurs d’actifs financiers n’adorent pas cet instrument de sécurité fiscale. Avec l’impôt anticipé, il n’est pas intéressant de frauder en ne omettant de déclarer ses revenus financiers : dans ce cas, les 35 % sont définitivement perdus ! Dans la bouche des adversaires de l’impôt anticipé, cet incitatif à l’honnêteté fiscale qui a fait ses preuves est désormais qualifié de complication et de vilain défaut.

L’impôt anticipé serait-il totalement supprimé ? Non, et loin de là. La réforme ne concerne que les obligations suisses. Les dividendes, mais surtout les intérêts des comptes épargne standard, eux, resteraient imposables. Même si ces intérêts sont aujourd’hui maigres, voire négatifs, la réforme créerait une inégalité indéfendable. Car jusqu’à preuve du contraire, les épargnants suisses ne sont pas par nature plus portés sur l’évasion fiscale que les détenteurs d’obligations !

Pourquoi cette différence de traitement ? La réponse est simple, si on la formule franchement : les grands investisseurs et les activités de financement sont mobiles. Les citoyens normaux, eux, ne le sont pas. Ils ne menacent pas à tout bout de champ d’aller prendre leurs quartiers à l’étranger pour protester contre un impôt qui leur déplaît. Face à cela, la solution raisonnable consiste à limiter la concurrence fiscale, course folle au détriment des services publics. Créer des niches spéciales pour certaines catégories de capital, comme le propose la réforme en question, c’est s’exposer sans cesse qu risque que d’autres descendent encore plus bas dans la sous-enchère fiscale.

D’ailleurs, la réforme ramènerait-elle vraiment de l’activité dans notre pays ? Rien n’est moins sûr. Comme le relève le professeur Marius Brülhart d’HEC Lausanne, les chiffres avancés à l’appui d’une suppression de l’impôt anticipé doivent peu aux faits et beaucoup à l’imagination de ceux qui les avancent. Ainsi, à en croire les défenseurs de la réforme, nous devrions tout à coup récupérer la moitié du volume que traite actuellement le Luxembourg. Pourquoi la moitié, comment, et quand : cela reste un mystère.

Et puis, enfin, combien ça coûte, tout ça ? Comme a été forcé de le reconnaître le conseiller fédéral Ueli Maurer : plus cher que prévu, au vu de la remontée des taux d’intérêts. Potentiellement 800 millions par an dans un environnement économique normalisé.

Alors finalement, est-ce une bonne idée ? La hausse des prix se fait durement sentir, les incertitudes s’accumulent. L’Etat va être appelé à jouer, une fois de plus, le rôle de stabilisateur. Il n’est pas temps de l’affaiblir pour une réforme aventureuse et injuste. Un non s’impose.