Ce que la Suisse doit à ses retraités

Tribune parue dans Le Matin dimanche du 24 décembre 2023

Le mois de décembre est le temps des fêtes et du partage. Mais c’est aussi le moment où arrivent quelques grosses factures, celle des impôts, de l’assurance ou du décompte de chauffage. Cette année, ce sera un peu plus serré que l’an passé pour les ménages suisses. Et 2024 s’annonce pire encore, avec les loyers, les primes maladie, et la TVA qui augmente. 

Face à cela, les retraités sont dans une situation particulière. Leur revenu est plafonné et fixé par des lois. Son adaptation aux nouvelles réalités économiques dépend exclusivement de décisions politiques. Il y a quelques mois encore, le Parlement laissait tomber les rentiers en refusant une pleine indexation des rentes. Une vie passée au travail ne garantit plus la sécurité financière à la retraite. 

C’est le sens particulier de la votation sur la 13e rente AVS qui aura lieu en mars 2024 : voulons-nous améliorer la situation des rentiers, actuels et futurs, face aux hausses de prix intervenues depuis deux ans ? L’initiative propose simplement de remettre l’AVS à niveau par rapport au coût de la vie. Et de le faire pour tout le monde, parce que l’AVS n’est pas une obole concédée aux retraités nécessiteux, mais un socle de revenu auquel chacun a droit après une vie de travail. C’est d’ailleurs ce qui garantit l’adhésion à son modèle de financement solidaire.

La 13e sens apparaît donc comme une mesure de bon sens. Mieux, elle est également raisonnable financièrement. Car l’AVS se porte bien, et démente régulièrement l’alarmisme idéologique propagé par les banques et les assurances. Les scénarios catastrophes ne se sont jamais réalisés. Pourquoi ? Voyons les faits. D’abord, le ratio entre personnes en âge de travailler et personnes à la retraite, dont la dégradation est toujours brandie comme une menace, masque une autre réalité bien plus déterminante : le taux d’activité moyen ne cesse d’augmenter. Autrement dit, la population suisse de 18 à 65 ans travaille davantage que par le passé, principalement parce que les femmes sont plus nombreuses à exercer un emploi rémunéré. En conséquence, les recettes de l’AVS progressent.

S’y ajoute une croissance de la productivité : en une heure de travail, on créé aujourd’hui déjà 10% de richesses de plus qu’il y a cinq ans seulement. Le travail s’est intensifié, il a été rendu plus efficace par de nouveaux outils technologiques et numériques. Ce progrès génère lui aussi une progression des cotisations encaissées par l’AVS, qui aide à supporter le vieillissement démographique.

Avant même l’entrée en vigueur de la retraite à 65 ans pour les femmes, notre premier pilier enregistrait ainsi 1.6 milliard d’excédent de recettes ordinaires par rapport aux dépenses en 2022. Des bénéfices de plus de 3 milliards sont prévus pour les prochaines années. En conséquence, et selon les projections officielles de la Confédération, l’AVS aura accumulé près de 70 milliards de réserves d’ici la fin de la décennie.

La 13e rente peut, au moment de son introduction, être couverte aux trois quarts par les marges existantes. Sur la durée, une cotisation supplémentaire de 0.4% sur les salaires permet, avec la contribution des employeurs, de couvrir les besoins de financement. Et c’est une bonne affaire pour une immense majorité : plus de 90 % des gens recevront, à la retraite, davantage qu’ils n’ont versé sous forme de cotisations. 

Laisser s’éroder peu à peu le pouvoir d’achat des retraités, comme s’il s’agissait d’une loi de la nature, n’est pas digne de notre pays. Nous devons autre chose aux anciens qui, par leur travail, l’ont fait prospérer. Confrontée aux grands défis de l’histoire, et celui d’un déclassement social des retraités en est un, la Suisse sait trouver des solutions concrètes et efficaces. La 13e rente AVS en est une.