LPP : un « non » de bon sens
Tribune parue dans Le Matin dimanche du 15 septembre 2024
Tout réforme de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) doit éviter la baisse des pensions de retraite. Ce principe est à la foi simple, et d’un implacable bon sens. Il est normal qu’un travailleur de 55 ans puisse compter sur la rente LPP inscrite sur son certificat de prévoyance annuelle. Qui avait formulé cette condition sine qua non de toute modification dans le deuxième pilier ? Personne d’autre que le Conseil fédéral, en 2020.
Aujourd’hui, un constat s’impose : au regard de ce critère, la réforme soumise en votation populaire le 22 septembre ne passe plus la rampe. D’importantes baisses de rentes menacent. Elles peuvent aller jusqu’à 250 francs par mois et toucheraient principalement les revenus typiques des classes moyennes, autour de 6000 ou 7000 francs par mois, assurés selon la LPP obligatoire ou à peine mieux. Et elles concerneront principalement les générations qui ont aujourd’hui la cinquantaine ou plus.
« Il n’y a pas de réforme qui ne fasse que des gagnants » : voilà le principe que les partisans du projet essaient désormais de substituer à celui du maintien du niveau des rentes. Si l’on traduit, il faudrait accepter, pour le bien du système, que des gens aux salaires moyens vivent moins bien à la retraite que ce qu’ils étaient en droit d’espérer dans le système actuel (et qui n’est déjà pas énorme). Au vu de la distribution des sacrifices, qui épargne intégralement les revenus élevés, cet appel au dévouement pour la cause collective n’est pas dénué d’un certain cynisme.
C’est sans parler des retraités qui, si la réforme venait à être adoptée, devraient patienter encore longtemps avant d’espérer une adaptation de leur rente LPP à la hausse générale des prix. Dans près de la moitié des caisses de pension, le niveau des réserves atteint aujourd’hui un seuil qui oblige à discuter d’une indexation sous une forme ou une autre. Mais en cas de « oui » le 22 septembre, c’est à financer les complexes mécanismes de compensation que s’attèleront les caisses, plutôt que de faire un effort pour leurs pensionnés.
Quant aux travailleurs à bas salaires et à temps partiel, qui sont souvent des travailleuses, l’intention de les intégrer davantage dans le deuxième pilier est louable. Mais le projet échoue au test en raison du mauvais rapport qualité-prix. Leurs cotisations supplémentaires serviront d’abord à rattraper la baisse de rente provoquée par celle du taux de conversion. En somme, on leur demande de verser davantage dans le pot du 2e pilier au moment précis où l’on décrète que chaque franc donnera droit à 12% de retraite de moins. Comme offre promotionnelle, on a vu mieux. Le système de retraites est l’une des pierres angulaires du contrat social suisse. Il doit permettre de bien vivre après une vie passée au travail. Pendant des décennies, après la Deuxième Guerre mondiale, la question n’était pas de savoir s’il fallait améliorer la situation des retraités. Car là-dessus, il y avait consensus. La question était de savoir comment le faire. Le système de prévoyance suisse, qui veut qu’on puisse maintenir son niveau de vie en conjuguant premier et deuxième piliers, est né de ce consensus. Aujourd’hui, pour des motifs idéologiques déguisés en supposées contraintes financières, il faudrait accepter que l’histoire du système retraites s’écrive dans l’autre sens : à la baisse. Renvoyer à l’expéditeur la mauvaise réforme de la LPP, c’est aussi refuser cette fatalité.