Tant que nous sommes solidaires, l’espoir demeure
Discours à l’occasion de la manifestation du premier mai 2025 à Lausanne
Chères et chères collègues, camarades, amis, compagnes et compagnons,
Ce n’est pas un premier mai comme les autres. La brutalité et la violence qui s’expriment aujourd’hui n’ont pas de précédent récent. En Ukraine, à Gaza, c’est la guerre. Un mélange de vieilles horreurs sur le retour, et de nouveaux raffinements monstrueux que permettent la technologie et l’inaction politique, un mélange qui nous révulse et qui nous révolte. Autour de nous, en Europe, les discours de division et de haine atteignent de nouveau sommets dans leur domination du débat public et dans leurs succès électoraux. Aux Etats-Unis, le racisme est au pouvoir, la cruauté contre les plus faibles est érigée en principe. En Argentine, on voit se conjuguer le libéralisme le plus virulent contre le peuple et la conservatisme le plus bête contre les droits. Ailleurs, comme en Chine, en Russie ou en Iran, la répression contre toute forme de démocratie ou de pluralisme s’accentue.
Dans le même temps, dans ces pays comme ailleurs, les peuples souffrent, les gens galèrent. La concentration des richesses atteint des sommets historiques, l’enrichissement des capitalistes vole de record en record. Et il n’y a pas de miracle, ni de multiplication magique des pains ou des dollars : l’argent qui nourrit la finance et les oligarques de tous les pays, cet argent manque ailleurs. La théorie du ruissellement s’est trompée : la seule chose qui coule à flot, c’est le carburant dans les jets privés et le champagne de luxe dans les coupes en cristal.
Face à cela, chères et chers collègues, il faut refuser le raccourci que nous proposent trop souvent les médias dominants, et qui voudrait faire des votes et des politiques d’extrême droite l’expression et la suite logique d’une colère sociale réelle. Il faut d’abord dire et répéter : jamais, nulle part, ces gens n’ont amélioré le sort de l’immense majorité du peuple qui travaille pour vivre et vit de son travail.
Mais il faut aussi affirmer, face aux éditorialistes qui font les malins, laquais plus ou moins conscients du système : non seulement l’extrême droite n’apporte aucune solution aux problèmes de fond. Mais en réalité, elle n’est, aujourd’hui, que le nouveau stratagème de ceux qui ont tout pour garder leur pouvoir et leur argent. Si les thèses racistes ou nationalistes montent, c’est à l’instigation de ces milieux, c’est dans leurs médias et avec leurs relais, et c’est à leur unique bénéfice !
En Suisse, nous voyons à l’œuvre les mêmes tendances. Taper comme des sourds sur les quelques milliers de personnes qui obtiennent l’asile chaque année, inventer l’idée que l’immigration est le problème principal du pays, tout ça n’a qu’un but : qu’on ne parle pas de la vie quotidienne. Qu’on n’évoque pas les problèmes, très concrets, qui s’y posent. Qu’on ne dise pas que les salaires sont les mêmes, en termes réels, qu’en 2015. « Décennie perdue pour les gens qui bossent » : voilà le gros titre que vous ne lirez jamais, ni à la une, ni ailleurs.
Nous sommes là, mes amis, pour montrer que nous ne nous laissons pas faire. Nous exprimons, ensemble, une résistance à ce qui vient et qui attaque autant des droits durement acquis, des droits qui protègent les femmes, les minorités, qui attaque autant ces droits que nos acquis sociaux les plus fondamentaux, puisqu’ici comme ailleurs, les règles sur le temps de travail, les salaires minimaux ou les système de sécurité sociale sont mis sous pression.
Nous sommes là pour dire que tout le monde a droit à une vie digne et à la protection de la loi et du droit, quel que soit son passeport – et que nous ne nous laisserons pas diviser !
Nous sommes là pour dire que nous ne nous résoudrons jamais à considérer la guerre et la violence comme normales – et que nous voulons la paix et l’arrêt des massacres, maintenant ! En Ukraine, à Gaza !
Nous sommes là pour dire que les loyers sont trop chers, que les primes maladie pèsent trop lourd, que les salaires ne suivent pas le coût de la vie, le coût réel de la vie – et que nous ne les laisserons pas détourner notre attention !
Nous sommes là, le premier mai, jour des droits des travailleuses et travailleurs, pour nous souvenir de toutes celles et tous ceux qui se sont battus avant nous – et pour tout faire pour nous montrer digne de leur mémoire, au nom aussi de tous les enfants qui comptent sur nous.
Nous sommes là, et tant que nous sommes là, tant que nous sommes nombreux, tant que nous sommes ensemble, tant que nous sommes solidaires, l’espoir demeure. A nous de le faire vivre et de le réaliser, demain encore.